" The Return "
“C’est par la couleur que je suis arrivé à l’Alchimie‘. Par cette dernière phrase, s’achève notre entretien avec Paul Mignard (né en 1989) à quelques mois de l’exposition “The Return“ (5 juin-3 octobre 2021). Elle est révélatrice d’une réflexion puissamment ancrée dans la pratique picturale, même si son inspiration puise à de multiples sources, dans divers
domaines (la cartographie, la minéralogie, le chamanisme 1...).
Dans son atelier, Paul Mignard est habitué à manipuler des colorants, des poudres, de la feuille d’or et d’argent. Il fait resurgir la figure de l’artisan-artiste d’autrefois ; celui qui prenait part au savant mélange des pigments et des liants. Malgré l’invention des pigments synthétiques, Mark Rothko s’engage dans des expériences pigmentaires parfois audacieuses aux dommages irréversibles. Les craquelures sont ainsi une sorte de rançon à l’empirisme expérimental de l’artiste. Dans les mêmes années, Yves Klein inventeur de l’IKB (International Klein Blue) utilise la matière picturale comme vecteur de poétique, porté par un ailleurs dématérialisé et hypra sensible.
Alexandra Fau
Photo: Nikolaz Lecoq
L’artiste, le poète, l’analysant, le marcheur, l’alchimiste, le chercheur... Une quête qui ne mène nulle part mais inscrit de l’ailleurs et crée du lieu. Nulle part en tant que le point d’arrivée est un point qui se dérobe, qui s’imagine, qui s’élabore, qui s’invente et se cherche.
C’est une quête riche d’être vaine, parce que toujours inachevée. Le précieux de l’inachevé où chaque arrivée dessine un nouveau départ, un nouvel horizon.
La première fois que j’ai rencontré Paul Mignard, j’allais voir un peintre et j’ai découvert un marcheur et un poète. Comme le chercheur qui trouve quand il ne cherche rien, dans un accident, à partir d’un oubli, d’une erreur, d’une faute, c’est en marchant que Paul invente ses topographies singulières qui donne à sa poésie picturale et sonore une incarnation.
Il nous permet de sentir la matérialité nécessaire à tout envol, tout comme le danseur doit retrouver le sol pour réamorcer l’élan, l’Homme doit s’inventer du lieu et du corps pour créer. La bande son de Paul Mignard telle une bande de Mœbius indique le risque de l’enfermement, de la répétition, du chemin qui rend fou de ne plus dessiner de dehors et de dedans, nous condamnant aux affres de l’indifférencié.
Pourtant ici, le son produit une discontinuité, une scansion qui permet un souffle, une respiration qui coupe dans l’indifférencié et permet de parler.
C’est un travail qui fait la part belle aux associations d’idées, la puissance même de ce qu’il nous dit se situe aussi dans ce qu’il ne nous dit pas, peinture, objets, textes, bande son, tout ce matériel écrit une histoire qui nous échappe mais nous appelle, nous invite à inventer notre propre texte. Une fois que l’on a traversé la route de l’imaginaire par ce trou qui se montre, il s’agit de s’installer autour du feu et de parler.
Annabelle Ponroy

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